Cour de cassation, Troisième chambre civile, 17 septembre 2020

La Cour de cassation a eu à se prononcer sur un litige touchant au fond de commerce. Plus précisément, la Haute juridiction a eu à répondre de la question suivante : un époux, copropriétaire avec son conjoint d’un fonds de commerce et qui bénéficie du statut de conjoint collaborateur, peut-il intervenir volontairement à l’instance engagée par son épouse, seule signataire du bail des locaux dans lesquels est exploité le fonds, en vue de revendiquer le statut des baux commerciaux ?

Dans les faits, Monsieur X, étant marié sous le régime de la communauté, conclut plusieurs baux saisonniers en vue d’exploiter un fonds de commerce. Il a décidé d’agir en justice pour voir requalifier ces baux en bail commercial.  

C’est alors, que son conjoint intervient tout à fait volontairement à l’instance. La cour d’appel juge cette intervention recevable, retenant que les époux mariés sous le régime de la communauté sont copropriétaires du fonds de commerce exploité dans les lieux loués (voir en ce sens l’article 1401 du Code civil) et que le conjoint collaborateur de celui qui a signé le bail a bel et bien qualité pour agir. 

 

Le litige arrive en cassation. Et dans un arrêt rendu le 17 septembre 2020, la troisième chambre civile de la Haute juridiction a censuré ce raisonnement. Elle considère, en effet, que le fait qu’un fonds de commerce constitue un bien commun est sans incidence sur la titularité du bail commercial, qui n’a été consenti qu’à un seul époux. En l’espèce, seul l’époux signataire était titulaire du bail des locaux dans lequel était exploité le fonds de commerce commun, de sorte que l’intervention principale de l’autre était irrecevable, et ce, peu important son statut de conjoint collaborateur.  

Deux éléments sont à retenir. Tout d’abord, la Cour de cassation relève le fait que le fonds de commerce dépende de la communauté de biens ne confère pas la qualité de cotitulaire du bail à celui des époux qui ne l’a pas souscrit. La Cour de cassation avait déjà jugé en 2008 qu’un congé pouvait être valablement délivré à l’époux seul titulaire du bail portant sur les locaux dans lesquels était exploité un fonds commun. En réalité, cette solution repose sur l’idée que le droit au bail n’est pas un élément essentiel du fonds de commerce, sans lequel celui-ci ne peut pas exister. En d’autres termes, le bail et le fonds sont deux valeurs patrimoniales et, sauf clause contraire, ils peuvent être cédés indépendamment l’un de l’autre. La cotitularité du bail ne résulte par ailleurs d’aucune des règles applicables au pouvoir des époux ou au régime matrimonial : un époux peut conclure seul un bail commercial et, si des dispositions protègent le logement familial (voir article 215 du Code civil) ou interdisent à un époux de vendre seul un fonds de commerce dépendant de la communauté (article 1424 du Code civil), il n’existe rien de similaire en matière de bail commercial. Autrement dit, l’époux qui n’est pas partie au bail n’a donc pas qualité pour revendiquer le statut des baux commerciaux.

En second lieu, si le conjoint collaborateur est réputé avoir reçu du chef d’entreprise le mandat d’accomplir au nom de ce dernier les actes d’administration concernant les besoins de l’entreprise (Article L 121-6 du Code de commerce),  un tel statut ne lui confère pas pour autant le droit d’agir en justice dans le but de revendiquer le statut des baux commerciaux concernant un contrat conclu par l’autre. 

Pour conclure, le fait que des époux communs en biens soient copropriétaires d’un fonds de commerce n’implique donc pas qu’ils soient cotitulaires du bail des locaux dans lesquels le fonds est exploité.

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