
Comprendre, anticiper et s’adapter à la réforme du Budget 2026
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une réforme majeure : transformer l’actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune improductive (IFI 2026).
Derrière ce changement de nom, c’est une nouvelle philosophie fiscale qui s’installe :
faire la différence entre les biens productifs (qui participent à l’économie réelle) et les biens improductifs (qui dorment).
Et pour beaucoup de Français, cela vise directement… les résidences secondaires.
1. D’où vient cette réforme ?
Depuis 2018, l’IFI remplace l’ISF et ne taxe plus que le patrimoine immobilier.
Mais plusieurs députés ont jugé le système « injuste » : un appartement vide à Paris est taxé, mais pas un yacht, une collection d’art ou des cryptoactifs.
D’où l’amendement n° 3379, adopté en commission, qui propose :
- de rebaptiser l’IFI en impôt sur la fortune improductive ;
- d’élargir l’assiette : biens immobiliers non productifs, meubles de valeur, assurance-vie non investie, actifs numériques, etc. ;
- et d’exonérer les logements loués au moins 12 mois, énergétiquement performants (DPE A à D), à loyer plafonné et hors cercle familial.
En résumé :
Plus votre patrimoine dort, plus il sera imposé.
2. Pourquoi les résidences secondaires sont au cœur du sujet
En France, il y a environ 3,7 millions de résidences secondaires, soit près d’un logement sur dix.
C’est énorme — et concentré dans certaines régions :
- Littoral atlantique et méditerranéen : jusqu’à 25 % des logements sont des résidences secondaires.
- Régions montagneuses (Alpes, Pyrénées) : jusqu’à 35 % dans certaines stations.
- Occitanie : plus de 500 000 résidences secondaires, soit 13,5 % du parc.
Ces logements sont souvent :
- inoccupés une grande partie de l’année,
- énergivores (DPE E ou F),
- et non loués, donc considérés comme improductifs par le fisc.
Jusqu’ici, leur principale taxe spécifique était la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) — environ 3,2 milliards d’euros en 2024, soit 1 000 € par logement en moyenne, et en hausse de +7 % cette année.
Avec le nouvel IFI, une deuxième couche fiscale pourrait s’ajouter.
3. Comment serait calculé le nouvel impôt ?
L’impôt s’appliquerait sur la valeur nette totale du patrimoine d’un foyer (biens immobiliers + financiers), au-delà de 1,3 million d’euros, à un taux unique de 1 %.
Rappel : quelques repères statistiques (France 2025)
- Patrimoine médian des ménages : ? 190 000 €
- Patrimoine moyen : ? 315 000 €
- Seuls environ 1 % des ménages dépassent 1,3 M€ de patrimoine net
- Seuil actuel de l’IFI : 1,3 M€
Autrement dit, cet impôt concerne principalement les 400 000 foyers “les plus aisés“, mais les seuils discutés dans l’amendement pourraient en élargir la base.
Hypothèse : taux unique de 1 % sur le patrimoine net au-delà du seuil
Lecture
- Seuil à 1,3 M€ : équivalent à l’actuel IFI ? environ 400 000 foyers concernés.
Le seuil d’entrée est donc déterminant.
4. Trois scénarios possibles qui auraient possibles pour les résidences secondaires
| Scénario | Effet sur les résidences secondaires |
|---|---|
| Version Mattei (3379) | Seuil : 2 M€. Exonération des logements loués. Taxation des biens inoccupés ou saisonniers. |
| Version 3910 (PS) | Seuil abaissé à 1,3 M€. Davantage de ménages concernés. |
| Version 3915 (PS) | Les logements loués resteraient imposés : plus d’exonération possible. |
| Version 3916 | Abattement de 1 M€ pour la résidence principale du foyer. |
En clair :
- Si votre patrimoine global dépasse 1,3 M€ selon le texte final,
- et que votre résidence secondaire est non louée ou énergétiquement médiocre,
elle deviendra un actif fiscalement coûteux.
5. Quels impacts sur le marché immobilier ?
Quels impacts sur le marché immobilier ?
Le nouveau dispositif, rebaptisé « Impôt sur la Fortune Improductive (IFI 2.0) », modifie profondément la logique de taxation du patrimoine.
S’il conserve le seuil d’entrée de 1,3 million d’euros, il élargit la base taxable à l’ensemble des biens immobiliers détenus, qu’ils soient occupés, loués ou inoccupés, dès lors qu’ils ne sont pas considérés comme « productifs » au sens économique strict (création d’emplois, innovation, investissements verts, etc.).
Résultat : les investisseurs immobiliers, même bailleurs, deviennent de facto plus exposés à l’impôt qu’auparavant.
Court terme (2026–2027)
1. Hausse des ventes anticipées
Les propriétaires dont le patrimoine global dépasse légèrement le seuil de 1,3 M€ pourraient vendre certains biens secondaires ou locatifs pour repasser sous la limite taxable.
Les arbitrages concerneront en priorité :
- les résidences secondaires peu rentables ;
- les appartements mal classés au DPE ;
- les biens anciens nécessitant des travaux coûteux.
2. Réévaluation fiscale des patrimoines locatifs
Puisque les biens loués restent inclus dans le calcul, les investisseurs détenteurs de plusieurs logements locatifs (souvent financés à crédit) verront leur patrimoine net taxable augmenter.
Les stratégies de découpage en SCI ou démembrement pourraient donc se multiplier pour atténuer l’impact.
3. Accélération des rénovations énergétiques
Même si la location ne permet plus d’exonération, un DPE performant (A à D) pourrait réduire la valeur imposable via des coefficients de décote environnementale.
En clair : plus le bien est vertueux, plus la base taxable peut être réduite.
4. Pression accrue sur les résidences secondaires
Les détenteurs de résidences secondaires non louées seront les premiers concernés.
Certains mettront leurs biens en vente ou en location temporaire pour compenser la charge fiscale, ce qui pourrait fluidifier le marché dans les zones touristiques.
Moyen terme (2028 et au-delà)
1. Baisse de la valeur des résidences secondaires
Les résidences secondaires, notamment :
- en zones littorales (Var, Landes, Bretagne, Charente-Maritime),
- ou en zones de montagne (Savoie, Haute-Savoie, Pyrénées),
devraient subir une correction de prix liée à la double pression : impôt récurrent + coûts de rénovation énergétique.
2. Recomposition du parc immobilier
Des biens aujourd’hui inoccupés ou sous-occupés (résidences de vacances, héritages, biens familiaux) pourraient être réintégrés dans le marché locatif.
Les communes touristiques verront donc une offre locative accrue, souvent sur des logements auparavant vacants.
3. Redistribution géographique du patrimoine
Les ménages patrimoniaux pourraient réduire leur exposition immobilière en France au profit :
- d’investissements financiers ou étrangers (Portugal, Grèce, Italie) ;
- ou d’actifs qualifiés de productifs (énergie, start-ups, foncières cotées).
Les territoires à forte concentration de résidences secondaires (littoral atlantique, Méditerranée, montagne) seront les plus fragilisés à moyen terme.
En résumé
| Effet principal | Conséquence attendue |
|---|---|
| Seuil inchangé (1,3 M€) mais base élargie | Plus de foyers soumis à l’impôt |
| Biens loués inclus | Hausse de la fiscalité pour investisseurs |
| Arbitrages patrimoniaux | Ventes anticipées et recomposition des portefeuilles |
| Effet sur les prix | Baisse progressive sur les zones secondaires et touristiques |
| Effet économique | Réorientation vers des actifs “productifs” ou verts |
6. Les gagnants et les perdants
| Catégorie | Impact probable |
|---|---|
| Propriétaires de résidences secondaires non louées | Forte hausse du coût de détention (THRS + IFI improductif). |
| Résidences principales | Exonéré jusqu’à 1 million d’euro |
| Investisseurs en location meublée de courte durée (Airbnb, saisonnier) | ExForte hausse du coût de détention (THRS + IFI improductif). |
| Collectivités locales | THRS inchangée, mais possible baisse de transactions (moins de droits de mutation). |
7. Ce que peuvent faire les propriétaires dès maintenant
- Diagnostiquer son patrimoine
Calculez votre patrimoine net (immobilier + épargne – dettes).
Si vous êtes proche de 1,3 M€, vous êtes potentiellement concerné. - Anticiper des choix stratégiques
- Vendre si la fiscalité devient trop lourde.
- Ou investir dans des placements « productifs » (économie réelle, unités de compte, PME).
8. À retenir en 6 chiffres
| Indicateur | Valeur |
|---|---|
| Logements en France (2025) | 38,4 millions |
| Résidences secondaires | 3,7 millions (? 10 %) |
| Littoral : part des RS | 25 % du parc |
| Seuil d’imposition IFI 2026 | 1,3 M€ |
| Taux unique | 1 % |
| THRS 2024 | 3,2 Md€ (+7 %) |
9. En conclusion
L’IFI 2026 marque un tournant :
il ne s’agit plus de taxer la pierre en soi, mais la pierre qui ne sert à rien.
Les résidences secondaires inoccupées deviennent le symbole de cette réforme :
- elles seront taxées si elles dorment,
Pour les propriétaires, c’est le moment d’anticiper :
simuler, louer, rénover ou arbitrer, selon sa situation.




