LA VEFA ET LE DROIT DE LA COMMANDE PUBLIQUE

CAA Nancy 15 avril 2021 M. E C. c./ Metz Métropole et Société Demathieu et Bard Immobilier, req. n°19NC02073

La cour administrative d’appel de Nancy a rendu un arrêt le 15 avril 2021 apportant quelques précisions utiles concernant la régularité du recours à la VEFA par une personne publique.

Un contrat de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) est susceptible d’être requalifié en marché public de travaux, dont la passation est soumise aux règles de la commande publique. Chaque acheteur doit ainsi rester vigilant lorsqu’il décide de recourir à la VEFA.

Qu’est ce que la VEFA ?

La VEFA est définie dans l’article 1601-3 du Code civil :

«La vente en l’état futur d’achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l’acquéreur est tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux. Le vendeur conserve les pouvoirs de maitre de l’ouvrage jusqu’à la réception des travaux.»

Le recours à la VEFA par les personnes publiques est autorisée depuis 1991. Cela leur permet d’obtenir pour leur compte la construction d’ouvrages par des personnes privées sans supporter pour autant le poids financier de l’opération. De plus, ce système permet à ladite personne publique de se dispenser d’une procédure de mise en concurrence dans la mesure où l’opération de travaux est indissociable de l’acquisition financière.

Quelle est l’origine de l’affaire ?

Le bureau de la communauté d’agglomération de Metz Métropole a décidé de recourir à la VEFA du programme « Centralia » réalisé par la société Demathieu et Bard Immobilier dans l’optique de l’acquisition d’un bâtiment destiné à accueillir son nouveau siège.

Après que sa requête ait été rejetée par le tribunal administratif de Strasbourg, le requérant a saisi la cour administrative d’appel de Nancy d’une demande d’annulation de la décision portant projet d’acquisition et d’injonction de la collectivité de faire constater par les juridictions civiles la nullité de la vente.

Quels sont les arguments de la Cour d’appel :  

Pour rejeter les moyens soulevés par le requérant, la cour s’appuie sur deux décisions du Conseil d’Etat à savoir Région Midi Pyrénées du 8 février 1991 et celle du 14 mai 2008 Communauté de communes de Millau-Grands Causse  selon lesquelles :

« Si aucune disposition législative n’interdit aux collectivités publiques de procéder à l’acquisition de biens immobiliers au moyen de contrats de vente en l’état futur d’achèvement, elles ne sauraient recourir à de tels contrats lorsque l’objet de l’opération consiste en la construction même d’un immeuble pour le compte de la collectivité publique, lorsque l’immeuble est entièrement destiné à devenir sa propriété et lorsqu’il a été conçu en fonction des besoins propres de la personne publique ».

Dans quelles situations ne pas recourir à la VEFA ?

Aux termes de cette décision, trois situations sont de nature à proscrire le recours à la VEFA :

  1. 1 – l’objet de l’opération vise à la construction même d’un immeuble pour le compte de la collectivité publique,
  2. 2 – l’immeuble est entièrement destiné à devenir la propriété de la personne publique
  3. 3 – l’immeuble a été conçu en fonction des besoins propres de la personne publique. 

Et dans l’arrêt qui nous concerne ici, la collectivité pouvait recourir à la VEFA. La cour se fonde pour cela sur l’ensemble des raisons suivantes :

  1. – le promoteur a déposé une demande de permis de construire le 11 mars 2014, un compromis de vente a été signé le 7 juillet 2014 entre lui et la société d’aménagement et de restauration de Metz Métropole (SAREMM) et le permis de construire a été accordé le 4 décembre 2014, de sorte que les démarches de commercialisation ont été engagées dès la fin décembre 2014 alors que le projet de futur siège de la collectivité a été évoqué pour la première fois lors de la conférence des maires en avril 2015 et l’opportunité d’achat n’a été discutée qu’en mai 2015 : les premiers échanges avec la collectivité sont donc intervenus postérieurement au dépôt de la demande de permis de construire ;

  2. – le promoteur a proposé ce projet immobilier à une autre personne publique ;

  3. – l’ensemble immobilier permet des aménagements intérieurs et de décloisonnement et ne comporte donc pas de caractéristiques particulières qui auraient eu pour objet de répondre aux besoins de la collectivité ;

  4. – et d’ailleurs la collectivité a réalisé elle-même des aménagements postérieurs pour un montant significatif dans le cadre d’un marché public de travaux et de maîtrise d’œuvre pour l’aménagement intérieur du nouveau siège.

Que décide la Cour :

La cour retient donc que la collectivité n’a exercé aucune influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ensemble immobilier, précisant ainsi que cet ensemble n’a pas été conçu à l’initiative de la collectivité, ni en fonction de ses besoins : l’opération n’est donc pas qualifiée de marché public de travaux. Elle rejette par voie de conséquence que cette opération serait soumise à la loi MOP du 12 juillet 1985 et précise enfin, que la seule appartenance au domaine public du terrain d’assiette du projet n’est pas un critère pour soumettre l’opération aux règles de la commande publique.

Cet arrêt n’est pas sans rappeler celui rendu par la cour de justice de l’Union européenne le 22 avril 2021 au sujet d’un contrat de location de longue durée sur un immeuble non encore construit. La cour a rejeté la critique tendant à faire requalifier ce contrat de marché public de travaux et à cet effet précise la notion d’influence déterminante sur la conception d’un bâtiment de en indiquant qu’« en ce qui concerne le bâtiment envisagé, une influence déterminante sur sa conception peut être identifiée s’il peut être démontré que cette influence est exercée sur la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs. Les demandes concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur».

Quelle application au quotidien ?

Il est important de retenir qu’un contrat de VEFA qui aurait pour objet les trois hypothèses que nous avons cité devrait être requalifié en marché public de travaux ; ce qui soumettrait sa passation aux règles applicables aux marchés publics de travaux prévues par l’ordonnance du 23 juillet 2015.

D’autre part, il semble préférable de suivre la procédure à la lettre. En d’autres termes, si vous étiez confronter à  des faits similaires, il conviendrait d’obtenir tout d’abord un permis de construire pour la construction d’un immeuble de bureaux avant d’engager des démarches de commercialisation.

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