Lorsqu’un bien est détenu en indivision, il est courant de penser que toute décision importante concernant ce bien requiert l’accord unanime des indivisaires. Cette vision est d’autant plus partagée dans les opérations immobilières impliquant des actes de disposition comme une vente. Pourtant, une récente décision du Conseil d’État du 7 mars 2025 (n° 490933) vient bouleverser cette logique : un seul indivisaire peut désormais contester la décision de préemption sans avoir à obtenir l’accord des autres.

Quel est le contexte de l’affaire ?
Une société publique d’aménagement, agissant dans le cadre d’une délégation du droit de préemption urbain (DPU), décide de préempter plusieurs lots d’un immeuble détenu en indivision. L’un des coindivisaires engage alors un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif, demandant l’annulation de la décision de préemption.
Les juridictions de première instance et d’appel rejettent cette demande, estimant que l’action en annulation équivaut à un acte de disposition, nécessitant l’unanimité des indivisaires (selon l’article 815-3 du Code civil).
Le Conseil d’État casse cette décision : pour lui, toute décision de préemption affecte directement le droit de propriété du vendeur, qu’il soit propriétaire en pleine propriété ou en indivision. Cela suffit à reconnaître un intérêt propre à agir à l’indivisaire qui souhaite contester la décision.
Autrement dit, le seul fait que la décision limite le droit de propriété du coindivisaire suffit à lui donner qualité pour agir, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord des autres indivisaires.
Quelle importance pour les professionnels de l’immobilier ?
Pour les agents immobiliers confrontés à la vente de biens en indivision, cette décision change la donne. Jusqu’alors, il pouvait être difficile de contester une préemption sans le feu vert de tous les indivisaires. Désormais, un seul coindivisaire peut agir pour protéger ses droits, notamment si la préemption semble abusive ou injustifiée.
Cette solution renforce la protection des droits des vendeurs face à des décisions d’urbanisme potentiellement contestables. Elle s’appuie sur une jurisprudence constante selon laquelle la décision de préemption constitue une atteinte directe au droit de propriété, conférant un intérêt à agir individuel.
Et les règles de l’indivision dans tout ça ?
Le Conseil d’État ne s’est pas fondé sur les règles de l’indivision légale (articles 815 et suivants du Code civil). Il ne dit pas explicitement que l’action en annulation constitue un acte conservatoire, mais il considère l’atteinte au droit de propriété comme suffisante pour justifier la recevabilité de l’action.
Pour autant, la jurisprudence civile semble évoluer vers une extension des actes conservatoires à certaines actions en justice (revendication de propriété, demande d’indemnité d’occupation, etc.), dès lors qu’elles sont dans l’intérêt de l’indivision.
Que faut-il retenir pour votre pratique ?
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Un indivisaire peut contester seul une décision de préemption, sans l’accord des autres.
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Cette décision renforce la sécurité juridique des vendeurs en indivision.
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Elle évite les blocages en cas de désaccord entre coindivisaires.
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Les professionnels de l’immobilier doivent en tenir compte dans la stratégie de vente des biens détenus en indivision.
Conseil d’agent :
Lorsqu’un bien en indivision est préempté, informez chaque indivisaire de son droit individuel à agir en justice, surtout s’il y a une volonté de contester la décision. Cela peut permettre de gagner du temps et d’éviter une procédure inutilement complexe.




