Le projet de loi de finances 2026 marque une nouvelle étape dans la stratégie budgétaire du gouvernement : plus de sobriété dans la dépense publique, mais aussi une série d’augmentations fiscales ciblées. Si certaines mesures sont présentées comme “techniques” ou “écologiques”, leur impact concret sera bien visible sur les factures des ménages, les bénéfices des entreprises et le patrimoine des investisseurs.

1. Holdings patrimoniales : la fin des “cash box”
Le gouvernement s’attaque aux sociétés holdings patrimoniales, ces structures utilisées pour conserver des liquidités et différer l’imposition.
Une nouvelle taxe sur les revenus financiers non distribués voit le jour, visant à empêcher la thésaurisation abusive.
Impact : environ 4 000 ménages fortunés seront concernés, pour un rendement estimé à 1 milliard d’euros.
En pratique : les dividendes conservés dans une holding familiale seront désormais intégrés au calcul du revenu imposable, réduisant fortement l’intérêt d’y loger sa trésorerie.
2. Très hauts revenus : prolongation de la contribution “minimum”
La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CDHR) est prolongée pour une année supplémentaire.
Elle impose un taux effectif minimum de 20 % pour les foyers dont le revenu fiscal dépasse 250 000 € pour un célibataire ou 500 000 € pour un couple.
Impact : environ 150 000 foyers verront leur imposition augmenter, notamment ceux bénéficiant jusqu’ici de niches fiscales importantes.
3. Retraites : fin de l’abattement proportionnel de 10 %
C’est un changement majeur pour les retraités.
Le traditionnel abattement de 10 % sur les pensions, calculé proportionnellement, est remplacé par un abattement forfaitaire :
- 2 000 € pour un célibataire
- 4 000 € pour un couple
Résultat :
- Les petits retraités y gagnent légèrement,
- Mais les pensions supérieures à 40 000 € par an seront plus lourdement imposées.
Traduction concrète : plusieurs centaines d’euros d’impôts en plus pour les retraités aisés.
4. Chauffage et énergies : hausse programmée des tarifs et accises
L’article 18 du projet de loi révise en profondeur la fiscalité des énergies de chauffage.
Les accises sur le gaz, le fioul et l’électricité augmentent progressivement, avec une harmonisation des taux de TVA.
Exemples de hausses prévues :
- Gaz naturel : +0,004 €/kWh en 2026
- Fioul domestique : +10 €/MWh
- Électricité : extension de l’accise à 2,4 €/MWh
Objectif affiché : financer la transition énergétique, mais les ménages verront leur facture grimper de 30 à 80 € par an selon leur consommation.
5. e-Commerce : la nouvelle taxe sur les petits colis importés
Les plateformes comme Shein, Temu ou AliExpress seront désormais concernées par une taxe de 2 € par article importé depuis un pays hors Union européenne.
But : lutter contre la concurrence déloyale et le dumping fiscal.
Rendement estimé : 500 millions €.
Conséquence : cette hausse sera très probablement répercutée sur le prix final payé par le consommateur.
6. Transport et logistique : retour d’une fiscalité kilométrique
Les entreprises de transport routier devront s’acquitter d’une taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé.
Cette “éco-contribution” servira à financer les infrastructures de transport via l’AFITF.
Rendement prévu : 776 millions €.
Effet attendu : hausse du coût logistique, donc pression inflationniste sur les prix des biens transportés (alimentation, matériaux, etc.).
7. Grandes entreprises et superprofits : contribution exceptionnelle prolongée
Les entreprises réalisant plus de 1 milliard € de chiffre d’affaires resteront soumises à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices, bien que le taux soit abaissé de moitié.
Taux en 2026 : 10,3 % ou 20,6 % selon la taille.
Recette attendue : 4 milliards €.
Effet indirect : certaines entreprises pourraient réduire leurs investissements ou leurs dividendes en France.
8. Autres micro-augmentations et contributions sectorielles
Le projet de loi intègre aussi une série de micro-taxes “sectorielles” :
- Hausse de la taxe sur la production d’œuvres cinématographiques (CNC)
- Réévaluation des contributions sur le streaming musical
- Nouvelle taxe sur les engins maritimes de plaisance
- Extension de la taxe sur la publicité audiovisuelle et numérique
Effet cumulé : plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires, souvent invisibles pour le grand public, mais supportés in fine par les consommateurs.
En résumé : une fiscalité plus large, mais moins visible
| Catégorie | Type de hausse | Public concerné | Rendement estimé |
|---|---|---|---|
| Patrimoine | Holdings patrimoniales | Ménages fortunés | 1 Md€ |
| Revenus | Très hauts revenus | Foyers > 250k€/an | 0,7 Md€ |
| Retraites | Suppression abattement 10 % | Retraités aisés | 1,2 Md€ |
| Énergie | Accises et TVA | Tous ménages | 2,5 Md€ |
| e-commerce | Taxe colis | Consommateurs | 0,5 Md€ |
| Transport | Éco-contribution routière | Transporteurs | 0,8 Md€ |
| Entreprises | Taxe exceptionnelle | Grandes entreprises | 4 Md€ |
| Culture & numérique | Taxes sectorielles | Plateformes | 0,3 Md€ |
Conclusion : une fiscalité “ciblée”, mais cumulative
Le gouvernement parle de “justice fiscale et transition écologique”, mais la réalité est une hausse cumulative touchant presque tous les acteurs économiques.
Les ménages verront leur pouvoir d’achat légèrement rogné, les entreprises leur marge entamée, et les investisseurs devront repenser leurs stratégies patrimoniales.
En clair : le budget 2026 n’augmente pas les taux officiels d’impôt, mais multiplie les ajustements “techniques” — autrement dit, des hausses invisibles mais bien réelles.




