C’est un chiffre qui fait froid dans le dos : 11,7 % des créances liées à l’immobilier de bureaux sont désormais en défaut de paiement.
Selon les données publiées par Trepp et relayées par WolfStreet, le taux de défaillance (« delinquency rate ») des prêts adossés à des immeubles de bureaux, dits Office CMBS, vient de battre son record historique.
Il dépasse ainsi le pic atteint lors de la crise financière de 2008, où il avait culminé à 10,7 %.
Une explosion des défauts en trois ans
En 2022, ce taux de défaut n’était encore que de 1,6 %. Trois ans plus tard, il a été multiplié par sept.
Cette envolée traduit une crise silencieuse mais profonde dans le secteur des bureaux aux États-Unis.
Derrière cette statistique se cache une réalité simple : des immeubles entiers ne trouvent plus preneur.
Les loyers baissent, les taux d’occupation plongent, et les propriétaires n’ont plus les liquidités nécessaires pour honorer leurs remboursements de crédit.
WolfStreet, qui suit depuis plusieurs années les évolutions du marché des CMBS (Commercial Mortgage-Backed Securities), confirme que la situation est désormais plus grave qu’au lendemain de la crise des subprimes.
« L’indice a atteint un niveau record de 11,7 %, bien au-delà des sommets de 2010–2011. C’est une véritable onde de choc pour le secteur des bureaux américains. »
— WolfStreet, septembre 2025

Pourquoi les bureaux se vident
Deux facteurs principaux expliquent cette crise.
Le télétravail durablement installé.
Depuis la pandémie, une grande partie des entreprises américaines ont adopté le travail hybride.
Résultat : la demande en espaces de bureaux a chuté de façon structurelle.
À San Francisco, New York ou Chicago, les taux de vacance atteignent parfois 30 %, du jamais-vu.
Certaines tours restent partiellement vides depuis plus de deux ans.
La hausse brutale des taux d’intérêt.
Autre facteur clé : le coût de la dette.
Alors que les taux d’emprunt à 10 ans sont passés de 1,5 % en 2021 à près de 6–7 % en 2025, les propriétaires doivent refinancer leurs prêts à des conditions beaucoup plus dures.
Or, les loyers perçus ne suffisent plus à couvrir les nouveaux intérêts.
C’est la spirale classique : baisse de revenus, tension sur le cash-flow, défauts de paiement, saisies.
Des saisies à venir et des ventes à prix cassés
Lorsqu’un prêt ne peut plus être remboursé, les créanciers — souvent des banques ou des fonds — reprennent possession du bien.
Mais sur un marché saturé, ils doivent revendre rapidement, souvent à perte, pour récupérer ce qu’ils peuvent.
Ces ventes à prix bradés accentuent la baisse des valeurs de marché et creusent les pertes dans les bilans financiers.
Ce mécanisme inquiète particulièrement les observateurs, car il touche à la fois les fonds d’investissement exposés aux CMBS et les banques régionales américaines, déjà fragilisées par les crises récentes (Silicon Valley Bank, First Republic…).
Les banques les plus exposées
Les grandes institutions ne sont pas épargnées :
- Bank of America : 86,6 milliards de dollars
- U.S. Bank : 54,2 milliards de dollars
- PNC Bank Holding : 48,2 milliards de dollars
(Source : données compilées par WolfStreet, septembre 2025)
Les pertes potentielles restent difficiles à quantifier, mais elles pourraient peser sur les résultats trimestriels de ces établissements si la dégradation se poursuit.
Les banques régionales, souvent très concentrées localement sur l’immobilier professionnel, apparaissent toutefois comme les plus vulnérables.
Un risque systémique limité, mais une correction durable
Les analystes s’accordent à dire que cette crise du bureau n’aura probablement pas l’effet domino mondial de 2008.
Le système bancaire américain, mieux capitalisé, dispose de marges de sécurité plus importantes.
Cependant, la correction s’annonce longue et profonde.
Beaucoup d’immeubles devront être reconvertis : logements, hôtels, espaces de coworking ou centres de données.
Mais ces transformations sont coûteuses et complexes à mener, notamment dans les grandes tours d’affaires.
Selon Trepp, environ 430 milliards de dollars de prêts adossés à l’immobilier commercial arriveront à échéance d’ici fin 2026.
Si les taux restent élevés, une partie importante de ces emprunts pourrait basculer à son tour en défaut.
Ce que cela signifie pour les investisseurs
Le marché des bureaux américains entre dans une phase de restructuration profonde.
Les fonds immobiliers cotés (REITs) orientés sur ce segment pourraient encore souffrir.
Les investisseurs institutionnels cherchent déjà à réallouer leurs capitaux vers le résidentiel ou l’industriel.
Le risque à court terme est davantage concentré sur les banques régionales et les détenteurs de CMBS que sur l’économie dans son ensemble.
Le marché de l’immobilier de bureaux vit une crise structurelle sans précédent, où se mêlent transformation du travail, hausse du coût du capital et baisse durable de la demande.
Même si le choc est pour l’instant circonscrit au marché américain, il offre un signal fort à tous les investisseurs : le bureau n’est plus une valeur refuge.
Références
- WolfStreet : “Office CMBS Delinquency Rate Spikes to Record 11.7 %” (1er septembre 2025)
Lire l’article - Trepp : “CMBS Delinquency Rate Increases Again in August 2025”
Lire sur Trepp - FDIC : Exposure of U.S. Banks to Commercial Real Estate Loans (2024)
Source FDIC




