
Contexte et enjeux pour les locataires et gestionnaires
Dans le secteur de la location immobilière, les désistements de locataires (abandons avant ou juste après signature du bail, renoncements de dossier, candidatures qui disparaissent) constituent une difficulté opérationnelle majeure :
- Ils entrainent des cycles de visite inutiles, un temps perdu pour les agents, et une vacance plus longue du bien.
- Ils nuisent à la rentabilité de la gestion locative, augmentent les coûts de turn-over (remise en état, nouvelle mise en marché) et peuvent affecter la satisfaction propriétaire-gestionnaire.
- Par ailleurs, dans un marché tendu comme celui du locatif privé en France, où la vacance est faible et la demande élevée – par exemple, à Paris, le taux de vacance est inférieur à 2 % selon certaines sources.
- Et en France, le logement locatif est caractérisé par une mobilité très faible : dans la région parisienne, le taux de rotation des locataires dans le logement social est inférieur à 5 % par an.
La conclusion : anticiper un désistement = éviter une vacance + optimiser la gestion + améliorer la relation client.
Le défi technique : prédiction par IA pour la gestion des locataires
L’idée est de construire un modèle d’apprentissage automatique (machine learning) ou d’intelligence artificielle capable de prédire, à partir de données historiques et comportementales, la probabilité de désistement d’un candidat locataire avant que le bail ne soit signé ou dans les premières semaines.
Variables et signaux potentiels
Voici un panel d’indicateurs que l’on peut collecter et exploiter :
- Délai de réponse du candidat aux sollicitations (ex. : temps entre visite et retour, délai de fourniture des pièces)
- Nombre d’annulations ou de reprogrammations de visite
- Type de contrat du candidat (CDI vs CDD vs intérim)
- Montant des revenus, ancienneté de l’emploi, historique bailleur ou quittance
- Ton et qualité des échanges (emails, messagerie) : lenteur, hésitation, peu d’engagement
- Historique de dossier du gestionnaire (si existant) : taux de désistement moyen par type de profil
- Localisation, type de bien, contexte du marché (forte demande vs marché plus calme)
- Autres données macro (vacance dans le secteur, niveau des loyers, tension du marché)
- Exemple : la vacance locative très faible (< 2 %) dans certains arrondissements de Paris rend la pression très forte sur la qualité des dossiers.
Méthodologie type
- Collecte de données historiques sur plusieurs milliers de dossiers locataires (ex. : 10 000+ dossiers) avec issue connue (signature du bail, désistement, ou abandon de dossier).
- Nettoyage et anonymisation des données, conformité RGPD.
- Sélection des variables explicatives (features) et étiquetage (target) : désistement = 1, signature = 0.
- Entraînement d’un modèle (logistic regression, random forest, gradient boosting, voire réseaux de neurones) pour estimer la probabilité de désistement. Des travaux universitaires anciens montrent que ce type de démarche est faisable : par exemple, un article de 2014 a démontré la “feasibility of using techniques from machine learning and data mining to determine future vacancy risks for individual dwellings”. ScienceDirect
- Évaluation du modèle via des indicateurs : taux de bonne classification, AUC (Area Under Curve), RMSE selon contexte, etc. Par exemple, dans un cas de prédiction d’évictions, un modèle KNN obtenait une RMSE de 0,081 et un R² de 0,371. Andrea O. Lau
- Intégration dans le CRM ou logiciel de gestion : pour chaque dossier locataire « en cours », un score de risque (ex. : « probabilité de désistement ») est affiché et déclenche des actions ciblées.
Exemple chiffré : résultats et gains attendus
Dans une agence de gestion meublée située en région parisienne, l’implémentation d’un tel système d’IA pourrait donner les résultats suivants (modélisation hypothétique mais plausible) :
- Avant IA : taux de désistement = ± 25 % des dossiers loués.
- Après IA (6 mois d’usage) : diminution du taux de désistement à ± 10-12 %.
- Gain en délais de relocation : réduction de 7 à 10 jours en moyenne par bien.
- Meilleure efficacité des visites : les agents priorisent les dossiers « faible risque » et accompagnent davantage les dossiers à « risque élevé ».
- Satisfaction propriétaire accrue (moins de vacance, moins de remise en état).
Bien que je n’ai pas trouvé de rapport public avec exactement ces données précises pour le marché français, les indications suivantes renforcent la pertinence :
- Le logement locatif en France est un marché de faible mobilité : taux de rotation dans certains secteurs < 5 % par an.
- Dans l’ensemble de la zone euro, la croissance annuelle des loyers était d’environ 3 % en 2024.
- Le taux de vacance très faible dans des zones tendues (ex. : < 2 % à Paris) augmente l’enjeu de chaque dossier.
Enjeux éthiques, réglementaires et pratiques
RGPD & transparence
- Il est impératif de s’assurer que les données du candidat sont traitées dans le respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD) : les candidats doivent être informés de l’usage du scoring, des données utilisées, de leurs droits d’accès et de rectification.
- Le modèle ne doit pas conduire à des formes de discrimination automatique. L’IA doit rester un outil d’aide à la décision, et non une substitution absolue à l’examen humain.
Qualité des données et biais
- Comme tout modèle prédictif, la qualité des résultats dépend fortement de la qualité des données : données erronées, biais de sélection, profils peu représentés peuvent réduire la fiabilité.
- Certains travaux montrent les limites : par exemple, dans le contexte des expulsions aux États-Unis, des modèles de ML ont dû faire face à des difficultés liées à l’absence d’étiquettes fiables et à des biais de données.
- Il convient donc de mener une phase pilote, tester le modèle, et continuer à le remettre à jour (retraining) régulièrement.
Intégration opérationnelle
- Le score de risque doit être explicite et compris par les utilisateurs (agents, gestionnaires) : ex. : « Dossier X : 85 % de probabilité de désistement ».
- Des actions concrètes doivent être prévues : relance téléphonique, accompagnement personnalisé, clarification des étapes du processus, engagement renforcé.
- Attention à ne pas stigmatiser un candidat « à risque » : l’objectif est de lui donner un meilleur suivi, pas de l’exclure.
- Il faut mesurer les résultats, ajuster le modèle et la logique d’intervention.
Ce que cela change pour les professionnels de l’immobilier
Pour les gestionnaires locatifs, agents immobiliers ou propriétaires-investisseurs, l’IA de prédiction des désistements est un levier stratégique :
- Elle permet de réduire le turn-over locatif et ses coûts associés (vacance, remise en état, marketing).
- Elle améliore la qualité des dossiers suivis, et donc la relation client locataire + propriétaire.
- Elle permet de passer d’une logique réactive (on court après le vide) à une logique préventive (on anticipe le risque).
- Elle contribue à la métrique de performance : taux de désistement, délai de relocation, productivité agent, satisfaction propriétaire.
- Elle marque un avantage concurrentiel, à condition de l’expliquer et de la valoriser (ex. : « Grâce à notre outil IA, nous anticipons et réduisons les incidents de dossier »).
En résumé
| Bénéfices clés | Détails |
|---|---|
| Anticipation | Détection de signaux faibles de désistement |
| Performance commerciale | Réduction du taux de désistement + délai de vacance |
| Expérience client | Suivi plus ciblé & personnalisé |
| Conformité & éthique | RGPD respecté + décision humaine confirmée |
Conclusion
Intégrer l’IA pour prédire les désistements de locataires n’est plus un gadget technologique : c’est un levier réel de productivité et de confiance dans un marché locatif tendu. Cela permet aux professionnels de la gestion locative de passer d’une posture subie à une posture apprenante, proactive et orientée résultats.




