
Ce que le bailleur peut (ou non) facturer au locataire
Depuis la loi Pinel n°2014-626 du 18 juin 2014, le régime du bail commercial a été profondément réformé.
Objectif : rétablir un équilibre entre bailleur et locataire, renforcer la transparence et encadrer les charges et travaux facturables.
Avant cette réforme, la quasi-totalité des charges pouvait être imputée au locataire.
Depuis 2014, certaines dépenses sont désormais strictement interdites de refacturation.
1. Le cadre juridique du bail commercial Pinel
Textes applicables
- Loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite Loi Pinel
- Décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif aux charges, impôts, taxes et travaux dans les baux commerciaux
- Articles L.145-40-2 et R.145-35 du Code de commerce
Ces textes sont d’ordre public : toute clause contraire est réputée non écrite.
2. Le principe général : transparence et équilibre
Avant la loi Pinel, le bailleur pouvait librement transférer toutes les charges au locataire (y compris les grosses réparations).
Depuis la réforme :
Le bailleur doit établir un inventaire précis et limitatif des charges, impôts et travaux à la signature du bail.
Il doit ensuite fournir un état récapitulatif annuel mentionnant :
- les dépenses réellement engagées,
- leur répartition entre bailleur et locataire,
- les travaux prévisionnels pour les trois années à venir.
3. Les charges récupérables autorisées
Certaines dépenses restent récupérables sur le locataire, à condition d’être expressément prévues au bail.
Peuvent être mises à la charge du locataire :
| Catégorie | Exemples de charges récupérables |
|---|---|
| Entretien courant | Nettoyage, jardinage, produits d’entretien, petites réparations |
| Consommations et services collectifs | Eau, électricité, chauffage, climatisation, ascenseur |
| Personnel de l’immeuble | Gardiennage, conciergerie (selon le service rendu) |
| Charges de copropriété | Si le bail les prévoit expressément |
| Petites réparations (article 1754 du Code civil) | Serrures, vitres, robinetterie, ampoules, etc. |
| Taxes liées à l’usage | Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), taxe de balayage |
Ces charges doivent être décrites et justifiées dans un état récapitulatif annuel, remis par le bailleur.
4. Les charges interdites (non récupérables)
Depuis 2014, la loi Pinel interdit formellement d’imputer certaines dépenses au locataire.
Ces exclusions sont d’ordre public.
Ne peuvent pas être facturées au locataire :
| Catégorie | Exemples |
|---|---|
| Gros travaux (article 606 du Code civil) | Réfection de la toiture, charpente, murs porteurs, planchers, façades |
| Travaux de mise aux normes non liés à l’activité | Accessibilité handicapés, sécurité incendie, réglementations environnementales générales |
| Travaux liés à la vétusté ou à la force majeure | Réparations importantes dues à l’usure ou à un sinistre |
| Honoraires du bailleur | Gestion, administration du bien, rédaction du bail |
| Impôts non liés à l’usage du locataire | Taxe foncière, taxe sur les bureaux en Île-de-France, taxes d’équipement |
| Dépenses de grosses réparations ou d’amélioration | Ascenseur, réseaux, façades, toiture… |
Ces charges restent donc à la charge exclusive du propriétaire.
5. Les travaux : répartition entre bailleur et locataire
| Type de travaux | À la charge de | Référence |
|---|---|---|
| Gros œuvre, structure, murs porteurs, toiture | Bailleur | Art. 606 C. civ. + Décret 2014-1317 |
| Travaux de mise en conformité réglementaire (non liés à l’activité) | Bailleur | Loi Pinel, art. R.145-35 |
| Travaux d’entretien courant et réparations locatives | Locataire | Art. 1754 C. civ. |
| Travaux d’adaptation liés à l’activité du locataire | Locataire | Clause spécifique dans le bail |
| Améliorations imposées par le bailleur | Bailleur | Loi Pinel, ordre public |
Le bailleur reste donc responsable de la structure et des mises aux normes générales, tandis que le locataire gère l’entretien courant et les aménagements liés à son activité.
6. Les obligations d’information du bailleur
Depuis la loi Pinel, le bailleur doit :
- Annexer au bail un inventaire précis des charges, impôts et taxes, avec leur répartition.
- Fournir chaque année un état récapitulatif :
- Dépenses réellement engagées,
- Travaux réalisés dans les 12 derniers mois,
- Travaux envisagés dans les 3 années suivantes.
- Justifier les montants facturés par des factures ou devis disponibles à la demande du locataire.
Cette transparence est obligatoire : à défaut, le locataire peut contester les sommes réclamées.
7. Les erreurs les plus fréquentes à éviter
- Faire supporter au locataire la taxe foncière sans clause expresse = clause réputée non écrite.
- Refacturer les honoraires de gestion du bail (interdit).
- Oublier l’état récapitulatif annuel = non-conformité Pinel.
- Mettre à la charge du locataire des travaux de mise en conformité non liés à son activité.
- Imputer au locataire les grosses réparations de l’article 606 du Code civil.
8. Les recours du locataire
En cas de non-respect de ces règles :
- Il peut refuser de payer les charges non récupérables,
- Saisir le tribunal judiciaire pour remboursement,
- Ou demander la requalification de certaines clauses du bail.
La jurisprudence est constante : dès qu’une clause contrevient à la loi Pinel, elle est réputée non écrite, sans annuler le reste du bail.
En résumé
| Catégorie | Avant 2014 | Après loi Pinel |
|---|---|---|
| Liberté contractuelle | Totale | Encadrée |
| Gros travaux | Locataire souvent chargé | Bailleur obligatoirement |
| Charges récupérables | Sans limite | Liste restrictive |
| Transparence | Optionnelle | Obligatoire |
| Documents annuels | Aucun | État récapitulatif obligatoire |




