
Belgique, Espagne… Les conséquences politiques, économiques et immobilières d’un blocage institutionnel
Publié le 7 octobre 2025 – Europe/Paris
Lorsqu’un pays reste sans gouvernement pendant plusieurs mois, on imagine souvent le chaos : plus de lois, plus d’État, plus de décisions.
Et pourtant, la Belgique et l’Espagne ont démontré qu’un pays peut fonctionner — parfois étonnamment bien — même sans exécutif pleinement en place.
Mais que se passe-t-il réellement ? Quels sont les impacts économiques, politiques et immobiliers d’une telle situation ?
Décryptage à travers deux cas emblématiques en Europe.
1. Belgique 2010–2011 : 541 jours sans gouvernement, un record mondial
Le contexte politique
Après les élections législatives de juin 2010, les partis flamands et francophones n’ont pas réussi à s’entendre pour former une coalition.
Résultat : 541 jours sans gouvernement fédéral, soit près d’un an et demi — un record encore inégalé dans le monde démocratique.
Comment le pays a-t-il fonctionné ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la Belgique ne s’est pas arrêtée.
- Les régions (Flandre, Wallonie, Bruxelles) ont continué à gouverner normalement.
- Le gouvernement sortant a géré les affaires courantes : salaires, santé, sécurité, éducation, fiscalité quotidienne.
- Les administrations, très autonomes, ont maintenu la continuité de l’État.
Les conséquences économiques
- Aucune récession majeure : la croissance est restée positive à +1,8 % en 2011.
- Légère hausse des taux d’intérêt sur la dette belge, les marchés doutant de la stabilité politique.
- Réformes bloquées : aucune grande décision structurelle (fiscalité, retraites, réformes institutionnelles).
2. Espagne 2015–2016 et 2019–2020 : entre paralysie et résilience
Le contexte politique
L’Espagne a connu deux périodes de blocage :
- décembre 2015 à octobre 2016, après l’échec de Mariano Rajoy à former une majorité,
- puis avril 2019 à janvier 2020, avant l’accord entre le PSOE et Unidas Podemos.
Les effets directs
Pendant ces périodes, le gouvernement sortant a géré les affaires courantes mais ne pouvait ni :
- voter de nouveaux budgets,
- lancer de réformes économiques,
- ni négocier des accords internationaux majeurs.
Les conséquences économiques et sociales
- Investissements publics gelés, retards dans les projets d’infrastructure.
- Croissance ralentie : de +3,6 % en 2015 à +2,3 % en 2016.
- Tensions régionales aggravées, notamment avec la Catalogne, faute d’un dialogue politique clair.
3. L’impact sur le marché immobilier en Belgique et en Espagne
L’immobilier est souvent un baromètre de la confiance économique.
Dans les deux pays, les périodes sans gouvernement ont eu des effets contrastés mais instructifs.
En Belgique : la stabilité malgré le vide politique
Le marché immobilier belge a continué à croître modérément entre 2010 et 2011.
- Les prix ont progressé d’environ 2 à 3 % par an, tirés par la demande stable dans les grandes villes (Bruxelles, Anvers, Gand).
- Le secteur de la construction n’a pas ralenti, car les politiques régionales (notamment en Flandre) ont continué à fonctionner normalement.
- En revanche, l’absence de réformes fiscales a retardé certaines incitations à l’investissement locatif.
L’immobilier belge a démontré une résilience étonnante, preuve que la confiance repose autant sur la stabilité du cadre légal que sur la présence d’un gouvernement fédéral.
En Espagne : un marché suspendu à la politique
En Espagne, les périodes de blocage ont eu un impact plus visible.
- Le marché immobilier, en pleine reprise après la crise de 2008, a ralenti temporairement.
- Les investisseurs étrangers ont marqué une pause prudente, craignant une instabilité fiscale ou administrative.
- Certaines réformes sur la location saisonnière et la fiscalité immobilière ont été gelées, créant une incertitude réglementaire dans les grandes villes comme Madrid ou Barcelone.
- Malgré cela, les prix de l’immobilier résidentiel ont repris dès la stabilisation politique en 2017 et 2021, confirmant le rôle clé de la confiance institutionnelle dans la dynamique du marché.
En résumé :
Sans gouvernement, le marché immobilier ne s’effondre pas, mais il ralentit, attend et observe.
La confiance — plus que les taux ou les lois — reste le moteur principal de la valeur immobilière.
4. Les points communs entre Belgique et Espagne
| Facteur | Belgique | Espagne | Conséquence |
|---|---|---|---|
| Durée sans gouvernement | 541 jours (2010–2011) | 10 mois (2015–2016), 8 mois (2019–2020) | Longues périodes sans exécutif |
| Type de régime | Fédéral | Parlementaire | Gouvernements régionaux actifs |
| Fonctionnement administratif | Très stable | Correct mais centralisé | L’État continue à tourner |
| Impact économique | Faible | Modéré | Croissance ralentie mais pas de crise |
| Impact immobilier | Léger, marché résilient | Modéré, confiance temporairement fragilisée | L’immobilier s’adapte mais reste solide |
| Opinion publique | Lassitude, ironie | Fatigue, abstention | Montée des populismes |
5. Conclusion : un pays sans gouvernement… mais pas sans État
La Belgique et l’Espagne l’ont démontré :
même sans exécutif formel, un pays européen reste debout.
Les impôts sont collectés, les hôpitaux fonctionnent, les écoles ouvrent, les trains roulent.
Mais à long terme, sans décisions politiques fortes, l’État devient un gestionnaire sans direction.
L’économie tourne, mais sans élan ; la démocratie respire, mais sans inspiration.
En résumé : sans gouvernement, un pays survit —
mais il ne progresse plus.
Et pour l’immobilier, la leçon est claire :
la confiance politique reste le ciment du marché.
Même le bien le mieux situé perd de sa valeur si la stabilité du cadre disparaît.
Sources et références
- Eurostat (2024) – Indicateurs macroéconomiques Belgique & Espagne (2010–2023)
- Banque Nationale de Belgique – Rapport annuel 2011
- INE Espagne – Comptes économiques trimestriels 2015–2016
- OCDE – Études économiques comparées, édition 2024
- Idealista & Statbel – Indices immobiliers nationaux 2010–2023




