
Un amendement explosif du groupe LFI
Le 17 octobre 2025, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, le groupe parlementaire La France insoumise (LFI) a déposé un amendement majeur (n° I-CF380) visant à instaurer un impôt universel ciblé sur les contribuables français les plus fortunés qui choisissent de s’exiler vers des pays à faible fiscalitéCF380.
Concrètement, cet amendement propose d’ajouter un nouvel alinéa à l’article 4 bis du Code général des impôts, qui imposerait — sous conditions — certains revenus perçus à l’étranger par des ressortissants français ayant quitté la France.
Le principe : une fiscalité liée à la nationalité, non plus seulement à la résidence
L’objectif affiché est de soumettre à l’impôt français, pendant dix ans après leur départ, les Français :
- dont les revenus excèdent cinq fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (soit environ 230 000 € par an) ;
- ayant résidé au moins trois ans en France au cours des dix années précédant leur départ ;
- et ayant transféré leur résidence fiscale vers un État dont la fiscalité est inférieure d’au moins 40 % à celle de la France sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine.
Un crédit d’impôt serait prévu pour éviter la double imposition : le contribuable pourrait déduire l’impôt déjà payé dans son pays de résidence.
Un mécanisme inspiré des États-Unis et du Nord de l’Europe
LFI reprend ici un modèle déjà en vigueur dans plusieurs pays :
- Les États-Unis pratiquent un impôt universel intégral : un citoyen américain reste imposable sur ses revenus mondiaux, même s’il vit à l’étranger.
- La Suède, la Finlande ou l’Allemagne appliquent des systèmes similaires dits “d’imposition limitée étendue”, pour éviter les départs d’optimisation purement fiscale.
L’idée : rétablir une équité horizontale entre ceux qui restent contribuer en France et ceux qui s’en échappent.
L’exil fiscal dans le viseur
Pour les députés signataires — Éric Coquerel, Clémentine Autain, François Ruffin, Danièle Obono et d’autres — la mondialisation a affaibli les États en permettant aux plus riches et aux multinationales de contourner l’impôt.
Ils dénoncent une “course au moins-disant fiscal” entre États, qui a fini par “resserrer l’assiette fiscale sur les classes populaires et moyennes”, selon les termes de l’exposé des motifsCF380.
“L’impôt a pour objet non d’atteindre les plus capables de le payer, mais les plus incapables de s’en défendre.”
— Tocqueville, cité dans l’amendement
Cet impôt universel vise donc à rendre plus coûteux l’exil vers les paradis fiscaux, tout en rétablissant la progressivité réelle de l’impôt.
Une compatibilité revendiquée avec le droit européen
Les députés affirment que ce mécanisme :
- respecterait les conventions fiscales internationales signées par la France,
- serait compatible avec le droit européen,
- et ne s’appliquerait qu’aux revenus dépassant un seuil très élevé, limitant ainsi sa portée aux “ultra-riches”.
LFI estime que cette mesure pourrait augmenter les recettes fiscales tout en renforçant le consentement à l’impôt des contribuables français restés sur le territoire.
Quelles conséquences pour l’immobilier haut de gamme ?
Une telle mesure aurait un impact direct sur les stratégies patrimoniales :
- Ralentissement des départs fiscaux vers la Suisse, le Portugal ou Dubaï, souvent privilégiés par les investisseurs immobiliers fortunés.
- Hausse des structures patrimoniales “onshore” (SCI, holdings, family offices) pour loger les actifs immobiliers en France tout en optimisant la fiscalité domestique.
- Renforcement de l’investissement locatif de long terme, perçu comme plus stable et défensif face à la fiscalité internationale.
En clair, cette fiscalité “à la nationalité” pourrait réorienter une partie des capitaux vers l’immobilier productif français, notamment dans les métropoles ou les régions en ZRR où les rendements nets restent attractifs.
Une mesure politique autant qu’économique
Au-delà de la fiscalité, cet amendement porte une dimension idéologique forte :
- réaffirmer la souveraineté fiscale de la France,
- restaurer la justice sociale,
- et combattre la déterritorialisation du capital.
S’il était adopté, il constituerait une révolution silencieuse du droit fiscal français, en rompant avec le principe séculaire de la résidence fiscale comme critère unique d’imposition.
Application entre pays européens : un obstacle juridique majeur
Si le principe d’un “impôt universel ciblé” peut séduire politiquement, son application dans l’Union européenne serait très limitée.
En effet, le droit européen protège la liberté de circulation des personnes et des capitaux (articles 49 et 63 du TFUE).
Imposer durablement un contribuable après son départ vers un autre État membre reviendrait à restreindre sa liberté d’établissement, ce qui serait jugé contraire à la jurisprudence européenne.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déjà censuré un dispositif similaire dans l’affaire Lasteyrie du Saillant (2004), où la France voulait taxer les plus-values latentes des contribuables partant s’installer dans un autre pays de l’UE.
Depuis cet arrêt, la règle est claire : la France ne peut maintenir une imposition “post-départ” sur les contribuables s’expatriant dans un État membre de l’Union ou de l’Espace économique européen (EEE).
En revanche, le dispositif pourrait pleinement s’appliquer aux départs vers les pays tiers, hors UE/EEE — comme la Suisse, Monaco, Dubaï, ou les Bahamas — où le droit européen ne s’applique pas.
C’est dans ces cas que la mesure aurait un effet dissuasif réel contre l’exil fiscal vers les juridictions à fiscalité très basse.
En résumé
| Élément clé | Détail |
|---|---|
| Texte | Amendement n° I-CF380 au PLF 2026 |
| Portée | Création d’un impôt universel ciblé sur les Français les plus fortunés expatriés |
| Seuil de déclenchement | Revenus > 230 000 €/an |
| Durée | 10 ans après le départ de France |
| Crédit d’impôt | Pour les impôts déjà payés à l’étranger |
| Objectif | Lutter contre l’exil fiscal et restaurer l’équité fiscale |
| Conséquence immobilière | Réduction des stratégies d’optimisation offshore, recentrage vers l’investissement en France |




