
Un amendement pour ancrer la stabilité budgétaire
Adopté le 18 octobre 2025, l’amendement n° I-CF1759 présenté par le député M. Ray dans le cadre du Projet de loi de finances (PLF) 2026 modifie le calendrier d’application de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR).
Cette contribution s’appliquera désormais jusqu’à l’imposition des revenus de l’année où le déficit public repassera sous les 3 % du PIB, et non plus seulement pour une année supplémentaire.
Contexte : un déficit qui persiste jusqu’en 2029
Le gouvernement table sur un retour sous les 3 % du PIB à horizon 2029, selon le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT).
Prolonger la CDHR vise donc à accompagner cet effort de redressement, tout en sécurisant les recettes de l’État et en évitant les débats annuels sur sa reconduction.
Objectif : une mesure simple, lisible et automatique — qui s’éteint d’elle-même dès que la France respecte à nouveau ses engagements européens.
Qu’est-ce que la CDHR ?
La contribution différentielle sur les hauts revenus est une surtaxe temporaire appliquée aux contribuables les plus aisés.
Son rôle : participer à l’effort collectif de redressement des finances publiques, tout en maintenant la progressivité de l’impôt sur le revenu.
Elle s’inspire de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) instaurée après la crise financière, toujours en vigueur tant que le déficit public n’est pas nul.
Pourquoi prolonger cette contribution ?
Plusieurs arguments justifient cette évolution :
- Éviter les effets d’aubaine : limiter la CDHR à 2026 aurait incité certains contribuables à décaler leurs revenus exceptionnels ou leurs plus-values mobilières d’une année.
- Assurer la continuité des recettes : le maintien automatique renforce la prévisibilité budgétaire.
- Aligner la fiscalité sur la trajectoire réelle du déficit, sans reconduction politique annuelle.
Ainsi, la CDHR ne sera pas une mesure “reconduite” chaque année, mais une disposition conditionnelle : elle prendra fin automatiquement dès que la France sera repassée sous le seuil de déficit fixé à 3 % du PIB.
Entrée en vigueur et portée juridique
Selon le texte adopté :
- Article modifié : Article 224 du Code général des impôts
- Application : à compter de l’imposition des revenus 2026
- Extinction automatique : l’année où le déficit < 3 %
Cette rédaction évite toute ambiguïté et aligne la CDHR sur le fonctionnement d’autres contributions exceptionnelles déjà prévues en droit fiscal.
En clair
Le maintien de la CDHR traduit une double ambition :
- Budgétaire : garantir la stabilité des recettes publiques jusqu’au redressement complet des comptes.
- Politique : envoyer un signal de crédibilité et de discipline vis-à-vis des partenaires européens et des marchés.
Conséquences de la prolongation de la CDHR sur l’immobilier
1. Moins d’arbitrages patrimoniaux à court terme
Les contribuables concernés par la CDHR — souvent des investisseurs à hauts revenus — ajustent régulièrement leurs stratégies d’arbitrage :
- En 2025, beaucoup envisageaient de décaler leurs plus-values mobilières ou immobilières en attendant la fin du dispositif.
- Or, avec une prolongation automatique jusqu’à retour sous les 3 % de déficit (prévu vers 2029), cette stratégie n’a plus de sens : les investisseurs devront intégrer durablement cette surtaxe dans leur fiscalité globale.
Effet concret : les ventes d’actifs immobiliers à forte plus-value (immeubles de rapport, parts de SCPI anciennes, résidences secondaires) pourraient se lisser dans le temps, au lieu de se concentrer sur une année “post-CDHR”.
2. Revalorisation de l’immobilier locatif à rendement long terme
Les investisseurs à hauts revenus, souvent déjà exposés à la fiscalité du capital, vont :
- Chercher à lisser leurs revenus imposables sur plusieurs années,
- Et privilégier des placements à rendement stable et amortissable, comme la location meublée (LMNP/LMP), les résidences gérées, ou l’immobilier d’entreprise.
? Ainsi, le patrimoine immobilier à cash-flow régulier devient un outil d’optimisation naturelle face à la fiscalité additionnelle :
amortissement, déduction des charges, et maîtrise des revenus fonciers imposables.
3. Repli sur des stratégies de détention via société (SCI, SAS, holding patrimoniale)
Pour les plus hauts revenus (revenus > 250 000 € / part), la CDHR vient s’ajouter à un impôt déjà élevé (IR + prélèvements sociaux + CEHR).
Résultat :
Montée en puissance des structures interposées :
- SCI à l’IS (pour amortir le bien et réinvestir sans fiscalité immédiate),
- SAS patrimoniales ou holdings familiales,
- Stratégies de capitalisation via des foncières ou des produits assimilés (SCPI, OPCI, Private Equity immobilier).
Ces montages permettent de neutraliser la progressivité de l’impôt sur le revenu, tout en conservant un actif immobilier tangible.
4. Pression accrue sur le haut du marché résidentiel
Dans les grandes métropoles (Paris, Lyon, Bordeaux, Côte d’Azur), les acheteurs à hauts revenus :
- verront leur revenu disponible net d’impôt réduit,
- donc leur capacité d’investissement légèrement comprimée.
Cela peut accentuer :
- un ralentissement des transactions sur les biens > 1,5 M€,
- et une recomposition de la demande vers des biens mieux fiscalement positionnés (résidence principale, investissement Pinel rénové, déficit foncier, etc.).
5. Signal politique : le capital reste mis à contribution
Ce maintien de la surtaxe traduit un message politique clair :
“Les plus hauts revenus continueront à participer à l’effort budgétaire tant que la France n’aura pas retrouvé l’équilibre.”
Dans un contexte où :
- la fiscalité du capital a déjà été allégée (PFU, IFI restreint),
- et la dépense publique doit être réduite,
les investisseurs immobiliers patrimoniaux devront adapter leur stratégie à un environnement fiscal durablement “haut de cycle”.
En résumé
| Conséquence | Effet sur le marché |
|---|---|
| Moins d’optimisation à court terme | Stabilisation des ventes à forte plus-value |
| Fiscalité plus lourde pérenne | Recherche de placements amortissables |
| Stratégies via sociétés | Boom des SCI à l’IS et holdings |
| Moindre pouvoir d’achat haut de gamme | Tassement du luxe immobilier |
| Message politique | Maintien d’une pression fiscale symbolique sur le capital |




