Comparatif avec la crise grecque et leçons pour les investisseurs

Une dégradation symbolique, mais pas une catastrophe économique
Le 17 octobre 2025, l’agence Standard & Poor’s a abaissé la note souveraine de la France de AA- à A+, un mois après la décision similaire de Fitch. En clair, la France reste dans la catégorie dite “Investment grade” — autrement dit, un pays solide et solvable — mais perd un cran de crédibilité budgétaire.
L’agence souligne la dérive du déficit public (5,8 % du PIB en 2024) et l’augmentation attendue de la dette (autour de 121 % du PIB à l’horizon 2028). Ces éléments inquiètent les marchés financiers, mais pas au point de déclencher un choc sur les taux.
D’ailleurs, l’État français continue de se financer sans tension : les OAT à 10 ans oscillent autour de 3,2 %, à peine 40 points de base de plus qu’en Allemagne. Cette prime de risque reste contenue, preuve que les investisseurs internationaux ne voient pas la France comme une zone à haut risque.
Le parallèle avec la crise grecque de 2010 est souvent évoqué, parfois à tort. La situation actuelle française est budgétairement tendue, certes, mais structurellement incomparable à celle qu’a connue la Grèce lors de la crise de la dette souveraine.
Grèce 2008–2017 : la descente aux enfers, puis la renaissance
Pour comprendre la différence, il faut se rappeler ce qu’a vraiment été la crise grecque.
Entre 2008 et 2017, le pays a perdu près de 25 % de son PIB, son chômage a explosé au-delà de 27 % et les taux d’intérêt sur la dette publique ont grimpé jusqu’à 30 % à court terme. Le système bancaire s’est figé : les ménages ne pouvaient plus emprunter, et le marché immobilier s’est littéralement effondré.
Les prix de l’immobilier urbain ont chuté de 41,9 % en dix ans selon la Banque de Grèce, et de près de 50 % en valeur réelle après inflation. À Athènes, un appartement qui valait 250 000 € en 2008 s’échangeait parfois à 120 000 € en 2015.
Dans des régions touristiques comme la Crète ou les Cyclades, le marché s’est vidé de ses acheteurs étrangers, et des milliers de logements neufs sont restés invendus.
Pourtant, à partir de 2018, le pays a commencé à renaître. Le retour des capitaux étrangers, la reprise du tourisme et l’instauration du “Golden Visa” (permettant la résidence en échange d’un investissement immobilier de 250 000 €) ont ravivé le marché.
En 2024, les prix à Athènes ont bondi de près de 9 % sur un an, à Thessalonique de 12 %, et même de 15 % dans certains quartiers centraux rénovés. Un appartement acheté 150 000 € en 2016 se revend désormais autour de 270 000 à 300 000 € — un rebond de plus de 70 % en moins de dix ans.
La leçon grecque est claire : une crise de notation n’est pas la fin d’un marché, mais un cycle. Ceux qui ont investi pendant la peur — dans le creux de la vague — ont été les grands gagnants.
France 2025 : un marché qui atterrit, pas un marché qui s’effondre
En France, le scénario est tout autre.
Loin d’une crise de confiance généralisée, les conditions de financement restent saines. Les taux de crédit immobilier pour les particuliers tournent autour de 3,1 à 3,3 % en octobre 2025, selon la Banque de France — en baisse par rapport aux 4,2 % enregistrés un an plus tôt.
Les prix immobiliers, eux, se rééquilibrent après deux années de correction douce.
Selon les notaires, la baisse moyenne atteint -0,6 % au deuxième trimestre 2025, après un léger rebond au premier trimestre (+1,1 %). Ce mouvement est hétérogène : Paris et Lyon continuent de s’ajuster, tandis que des villes moyennes comme Montpellier, Rennes ou Angers repartent légèrement à la hausse, soutenues par la tension locative.
Prenons un exemple concret : à Nantes, un appartement de 70 m² dans le centre qui se vendait 350 000 € en 2021 s’échange aujourd’hui autour de 320 000 €. Si l’on finance cet achat à 3,2 % sur 20 ans, la mensualité avoisine 1 800 €, soit 150 € de moins qu’il y a un an grâce à la détente des taux. En parallèle, les loyers ont progressé d’environ 3 %, ce qui stabilise la rentabilité nette autour de 4,5 %. Autrement dit : le rendement reste identique, mais l’entrée de marché coûte moins cher.
Ce genre d’opération illustre que, malgré la baisse de la note souveraine, le crédit reste accessible, les prix négociables et la rentabilité défendable.
Rien à voir avec la Grèce de 2012, où plus personne ne prêtait et où les prix perdaient 10 % par an.
Pourquoi les investisseurs ont toujours raison de se tourner vers la pierre
L’immobilier reste avant tout un actif d’usage et de rendement, non une obligation d’État.
Même si la note de la France baisse, la valeur d’un bien dépend d’abord de sa localisation, de sa demande locative et de sa qualité énergétique.
Le DPE, l’accessibilité, la mobilité et la rareté foncière sont aujourd’hui de vrais leviers de valorisation.
Sur le plan économique, un bien immobilier a un avantage que n’a aucun actif financier : il protège partiellement contre l’inflation. Quand les prix augmentent, les loyers suivent mécaniquement, surtout dans les zones à forte tension locative.
Un investisseur qui achète aujourd’hui à taux fixe verrouille son coût de financement pendant 20 ans, tandis que ses loyers continueront d’être indexés chaque année.
C’est exactement ce qu’ont compris les investisseurs avisés en Grèce : entre 2013 et 2018, alors que la majorité fuyait le marché, certains achetaient à vil prix. Dix ans plus tard, leurs plus-values dépassent les 60 à 80 %.
En France, la situation actuelle, avec des taux stabilisés et un marché qui se normalise, offre une fenêtre similaire — sans les risques extrêmes d’un défaut souverain.
Immobilier : un refuge, pas une panique
La dégradation de la note française est un signal politique et budgétaire, pas un choc systémique.
Le marché immobilier, lui, reste solide : les ménages achètent, les investisseurs étrangers reviennent, les banques prêtent.
Les fondamentaux — besoins en logement, inflation, stabilité juridique — demeurent intacts.
L’exemple grec le prouve : même après un effondrement de 40 %, la pierre a rebondi dès que la confiance est revenue.
La France, bien avant d’en arriver là, dispose encore d’un système bancaire robuste, d’une fiscalité stable sur le long terme, et d’un marché du logement structurellement sous-offreur.
En clair, une note à A+ ne change pas la nature d’un actif tangible.
La pierre, surtout bien située et bien financée, reste un refuge rationnel.
Les crises de confiance passent, les mètres carrés, eux, demeurent.




