
Le gouvernement a choisi de s’attaquer à un pilier discret mais incontournable de la fiscalité locale : la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE).
À travers l’article 29 du projet de loi de finances 2026, il acte la suppression des abattements automatiques nationaux et des dégrèvements forfaitaires jusque-là appliqués à certaines activités ou zones géographiques.
Une mesure technique en apparence, mais dont l’impact concret sera bien réel pour les agences immobilières, syndics, professions libérales et indépendants.
Une réforme présentée comme une décentralisation fiscale
La CFE constitue, avec la taxe foncière, l’une des principales ressources économiques des communes et intercommunalités.
Jusqu’à présent, l’État imposait un cadre uniforme : des abattements automatiques allant de 10 % à 30 % étaient appliqués en fonction de la taille de la commune ou de la typologie d’activité.
Ces réductions permettaient d’alléger la facture des petites entreprises, des artisans, des professions libérales ou des structures implantées dans des zones moins dynamiques.
Dès 2026, ce mécanisme disparaît.
Le gouvernement justifie ce choix par la volonté de “redonner aux collectivités la pleine responsabilité de leur fiscalité locale”.
En pratique, les communes et intercommunalités pourront fixer elles-mêmes leurs taux, accorder ou non des exonérations, et moduler les allégements selon leur stratégie économique.
Mais cette liberté accrue s’accompagne d’une conséquence directe : les entreprises paieront plus dans la majorité des territoires.
Une hausse inévitable pour les acteurs de l’immobilier
Les professionnels de l’immobilier figurent parmi les premières victimes collatérales de cette réforme.
Les agences, syndics, administrateurs de biens, diagnostiqueurs et agents indépendants occupent presque toujours des locaux commerciaux ou de bureaux, directement soumis à la CFE.
Or, la disparition des abattements automatiques va mécaniquement augmenter leur base imposable.
Une agence immobilière située dans une commune de taille moyenne, bénéficiant jusqu’ici d’un abattement de 20 %, verra sa cotisation grimper de 25 % à 30 % dès 2026, sauf si la municipalité décide d’instaurer une réduction locale compensatoire.
Dans les grandes villes, où la pression budgétaire est forte, les maires auront peu de marges de manœuvre pour maintenir ces allégements.
Le risque est donc celui d’une hausse généralisée, touchant plus particulièrement les bureaux urbains, vitrines commerciales et agences franchisées.
La fin des dégrèvements nationaux pour les petites structures
Au-delà des abattements automatiques, le texte supprime également plusieurs dégrèvements forfaitaires gérés directement par l’État, notamment ceux qui visaient les micro-entreprises et professions libérales.
Ces dégrèvements permettaient d’alléger la charge fiscale des structures à faible chiffre d’affaires ou disposant de très petits locaux.
Leur disparition renforce encore la charge pesant sur les indépendants et micro-entrepreneurs exerçant dans un bureau partagé ou une pépinière d’entreprises.
Selon les simulations établies par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), cette mesure pourrait se traduire par une hausse moyenne de 15 % de la CFE pour les professionnels exerçant dans les zones urbaines et touristiques, et jusqu’à 25 % dans certaines communes tendues.
Des disparités territoriales à venir
Le gouvernement présente cette réforme comme une mesure de simplification et de responsabilisation.
Mais en réalité, elle risque d’aboutir à une fiscalité à deux vitesses selon les territoires.
Les grandes métropoles, confrontées à des besoins de financement croissants, devraient maintenir des taux élevés et supprimer les exonérations.
Les communes rurales, à l’inverse, pourraient instaurer des allégements pour attirer de nouvelles activités.
Résultat : un écart croissant de pression fiscale entre les zones économiques dynamiques et les territoires en déprise.
Les élus locaux eux-mêmes redoutent une “fracture fiscale territoriale”.
Sans cadre national, la CFE deviendra un impôt très variable d’une commune à l’autre, complexifiant la vie des entreprises disposant de plusieurs établissements.
Un impact direct sur les marges et la compétitivité
Pour les professionnels de l’immobilier, cette réforme intervient dans un contexte déjà tendu :
ralentissement du marché, hausse des coûts énergétiques, complexité réglementaire (DPE, rénovation énergétique, conformité location).
L’alourdissement de la CFE viendra donc peser davantage sur les marges, notamment pour les petites agences indépendantes, les structures de syndic ou les conseillers en gestion locative disposant de bureaux permanents.
Les grandes enseignes et réseaux intégrés, mieux dotés financièrement, pourront absorber cette hausse.
Mais pour les indépendants, cette charge supplémentaire risque d’entraîner une réduction des effectifs ou des surfaces louées, voire des fermetures de points d’accueil physiques.
Un signal budgétaire fort envoyé aux collectivités
Dans l’exposé des motifs de l’article 29, Bercy explique que cette mesure vise à “clarifier la répartition des compétences fiscales entre l’État et les collectivités”.
En d’autres termes, l’État se désengage des mécanismes de compensation et laisse les communes assumer pleinement la responsabilité de leur politique fiscale locale.
Les élus pourront, s’ils le souhaitent, rétablir des abattements par délibération — mais sur leurs propres recettes.
Autrement dit, toute réduction accordée localement se fera au détriment du budget municipal.
Ce transfert de charge vers le local pourrait encourager certaines communes à augmenter leur taux global de CFE afin de compenser la suppression des dégrèvements nationaux.
Ce phénomène est déjà observé après la réforme de la CVAE, et risque de s’amplifier à partir de 2026.
Une réforme silencieuse mais lourde de conséquences
En apparence technique, la suppression des abattements automatiques de CFE constitue en réalité une hausse déguisée de la fiscalité professionnelle.
Elle transformera profondément le rapport entre entreprises et collectivités.
Les professionnels devront suivre de près les délibérations fiscales locales, car l’évolution de leur CFE dépendra désormais directement des décisions prises dans chaque territoire.
Pour les acteurs de l’immobilier, le message est clair :
le coût d’occupation des locaux va augmenter, et la gestion budgétaire devra s’adapter.
Une anticipation dès 2026 permettra d’éviter de mauvaises surprises dans les bilans à venir.
Conseil MaFormationImmo :
Les entreprises concernées peuvent d’ores et déjà contacter leur service fiscal local pour connaître les nouvelles délibérations prévues.
Il est également recommandé de réévaluer les surfaces de bureaux déclarées afin de réduire l’assiette imposable avant la clôture 2026.




