Budget 2026 : Vers un « Impôt sur la Fortune Improductive »

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Une refonte majeure de la fiscalité du patrimoine et de l’immobilier

Le Projet de loi de finances pour 2026 introduit, via l’amendement n° I-3379 présenté par Jean-Louis Mattei et plusieurs députés du groupe MoDem, une transformation profonde de l’actuel Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI).
Ce texte, adopté en commission des finances, propose de rebaptiser et de redéfinir cet impôt sous le nom d’Impôt sur la Fortune Improductive (IFI 2026).

L’objectif affiché : réorienter la fiscalité du patrimoine vers la productivité réelle et pénaliser les avoirs inactifs. Une réforme qui, si elle était adoptée en l’état, aurait des conséquences majeures sur les stratégies d’investissement immobilier, patrimonial et financier.


Les grands principes de la réforme

1. De l’IFI à l’Impôt sur la Fortune Improductive

L’amendement modifie l’intitulé du chapitre du Code général des impôts (CGI) :
« Impôt sur la fortune immobilière » devient « Impôt sur la fortune improductive ».

Ce changement symbolique traduit une nouvelle philosophie : l’assiette ne dépend plus de la nature immobilière du bien, mais de sa productivité économique.


2. Une assiette élargie et réorientée

L’article 965 du CGI serait profondément réécrit.
Entreraient désormais dans le champ de l’impôt :

  • Les biens meubles corporels (voitures de collection, yachts, avions, œuvres d’art, bijoux, etc.)
  • Les contrats d’assurance-vie (hors unités de compte, considérés comme “improductifs”)
  • Les actifs numériques (crypto-monnaies et assimilés, article L.54-10-1 du Code monétaire et financier)
  • Les liquidités et placements financiers inactifs
  • Les biens immobiliers non productifs (résidences secondaires inoccupées, logements vacants, etc.)

L’idée centrale : imposer les fortunes dormantes plutôt que les actifs créant de la valeur ou de l’emploi.


3. Un impôt plus simple, plus lisible

L’actuel barème progressif de l’IFI serait supprimé.
Il serait remplacé par un taux unique de 1 % appliqué à la fraction du patrimoine net taxable supérieure à 1,3 millions d’euro

Cela simplifie la lecture de l’impôt mais peut, selon la structure du patrimoine, conduire à une hausse effective pour certains contribuables intermédiaires.

Contexte actuel (avant réforme – IFI 2025)

L’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) s’applique aujourd’hui :

  • uniquement sur les biens immobiliers non affectés à une activité professionnelle ;
  • avec un barème progressif de 0,5 % à 1,5 % au-delà de 10 M€ ;
  • après un abattement de 30 % sur la résidence principale ;
  • et de nombreuses possibilités d’optimisation : démembrement, dettes déductibles, parts de SCPI, etc.

? Cela permet à certains contribuables “intermédiaires” (entre 1,5 M€ et 4 M€ de patrimoine net taxable) de moduler ou réduire fortement leur IFI via la structuration du patrimoine.


? La réforme proposée : l’« Impôt sur la Fortune Improductive » (IFI nouvelle formule)

Selon le texte budgétaire 2026 :

  • on supprime le barème progressif au profit d’un taux unique de 1 % ;
  • on élargit l’assiette à tous les actifs “improductifs” (immobilier non loué, objets précieux, voitures, yachts, assurance-vie dormante, cryptos non investis, etc.) ;
  • mais on exclut les actifs “productifs” (immobilier loué à long terme, investissements écologiques, actions d’entreprise, etc.).

Comparaison chiffrée

ProfilSituation actuelle (IFI 2025)Réforme 2026 (IFI “improductive”)Conséquence
Patrimoine modeste (1,4 M€)Exonéré (seuil > 1,3 M€ net)Peu ou pas impacté=
Patrimoine intermédiaire (2 M€ dont 1,5 M€ en résidences secondaires)IFI env. 5 000 € après abattementsTaux unique 1 % ? env. 20 000 €? Forte hausse
Patrimoine élevé (10 M€, dont 7 M€ investis productivement)IFI env. 110 000 €1 % sur 3 M€ (improductif) ? 30 000 €? Baisse nette

Justification économique et fiscale

  • Simplification apparente : le taux unique de 1 % est plus lisible que le barème progressif (0,5–1,5 %).
    Mais cette simplification supprime les effets de seuils et l’adaptation au niveau réel de richesse.
  • Hausse pour les “intermédiaires” :
    Les patrimoines entre 1,5 M€ et 4 M€ subissaient jusqu’ici une progressivité douce, souvent compensée par des dettes ou des abattements.
    Avec un taux fixe de 1 % sur une assiette plus large (résidences secondaires, comptes dormants, art…), l’impôt réel augmente de 2 à 3 fois.
  • Baisse pour les plus riches “structurés” :
    Les patrimoines très élevés mais orientés vers des actifs “productifs” (entreprises, immobilier loué, private equity) paieront moins.
    Cela reflète la volonté politique de récompenser le capital investi et de taxer la détention passive.

En résumé

Effet globalAvant (IFI progressif)Après (IFI improductif)
LogiqueImpôt sur le patrimoine immobilierImpôt sur la non-productivité du capital
TauxProgressif 0,5 % ? 1,5 %Taux unique 1 %
GagnantsGrands investisseurs, entreprises familiales? Impôt
PerdantsPatrimoines patrimoniaux intermédiaires, multi-propriétaires non bailleurs? Impôt
Objectif politiqueSimplifier + orienter l’épargne vers le productif

4. Des exonérations ciblées pour le logement productif

L’amendement introduit un nouvel article 975, VII :
sont exonérés de cet impôt les biens :

  • loués à usage d’habitation,

C’est une incitation claire à louer plutôt qu’à laisser vacant, et à investir dans des biens performants énergétiquement.


Les sous-amendements du 31 octobre : un débat de fond sur l’équité

Trois sous-amendements déposés par Philippe Brun (groupe Socialistes et apparentés) viennent nuancer ou corriger la version initiale du texte.

Sous-amendement n° 3910

Il supprime le relèvement du seuil d’imposition à 2 M€, estimant qu’il réduirait trop le rendement fiscal et favoriserait les grandes fortunes.

Sous-amendement n° 3915

Il supprime l’exclusion des biens loués de l’assiette, considérant que ces biens sont souvent détenus par de grands multi-propriétaires et doivent donc rester imposables.

Sous-amendement n° 3916

Il introduit une exonération d’1 million d’euros pour la résidence principale ou unique d’un foyer fiscal, même si elle n’est pas occupée directement par les propriétaires.

Ces ajustements montrent la tension politique entre deux visions :

  • une approche pro-investissement productif (MoDem),
  • et une approche redistributive et égalitaire (PS).

Conséquences pour l’immobilier

1. Les logements loués “verts” deviennent attractifs

Les bailleurs offrant des logements énergétiquement performants et loués à l’année seraient exonérés.
Cela valorise les investissements dans la rénovation énergétique et la location durable.

2. Les résidences secondaires sous pression

Les biens non loués ou énergivores deviendraient imposables à 1 % dès 1,3 M€.
Résultat : risque de désengagement des résidences secondaires, notamment sur les littoraux et zones touristiques.

3. Les foncières patrimoniales devront s’adapter

Les sociétés détenant du patrimoine improductif (terrains vacants, logements vides, œuvres d’art) verraient leur fiscalité alourdie.
Elles pourraient être incitées à arbitrer vers des placements productifs ou verdir leur portefeuille immobilier.

Impôt sur la Fortune Improductive – taux 1 %, seuil 1,3 M€

Patrimoine total (€)Part taxable (€)Impôt (1 %) (€)
1 300 00000
1 500 000200 0002 000
2 000 000700 0007 000
2 500 0001 200 00012 000
3 000 0001 700 00017 000
4 000 0002 700 00027 000
5 000 0003 700 00037 000
7 000 0005 700 00057 000
10 000 0008 700 00087 000

? Lecture rapide

  • En-dessous de 1,3 M€, aucun impôt.
  • À 2 M€, le foyer paierait 7 000 €.
  • À 3 M€, l’impôt grimpe à 17 000 € (soit un rendement effectif de 0,57 % du patrimoine total).
  • Au-delà de 10 M€, la facture atteint 87 000 € par an.

Impacts sur la gestion de patrimoine

  • Rééquilibrage fiscal : les actifs financiers ou numériques improductifs rejoignent les biens taxables.
  • Rationalisation des portefeuilles : les détenteurs devront prouver la productivité économique de leurs actifs.

Synthèse comparative

CritèreIFI actuelIFI 2026 proposé
Nom officielImpôt sur la fortune immobilièreImpôt sur la fortune improductive
Seuil d’entrée1,3 M€maintien à 1,3 M€
BarèmeProgressif (0,5 % à 1,5 %)Taux unique de 1 %
Biens imposésImmobilier hors proTous biens improductifs (immobilier, assurance-vie, crypto, objets précieux)
Biens exonérésRésidence principale à 30 %Logements loués (A–D DPE, >12 mois), rés. principale <1 M€

Enjeux politiques et économiques

Cette réforme marque un tournant idéologique :

  • elle abandonne la logique de l’“impôt immobilier” pour cibler l’inactivité du capital,
  • tout en sanctionnant la détention improductive et en récompensant la mise en circulation des richesses.

Mais le débat reste vif : les socialistes dénoncent un risque de “cadeau aux multi-propriétaires”, tandis que les centristes y voient une mesure pro-croissance et pro-logement.


Conclusion : un impôt à la croisée des chemins

S’il est adopté, l’IFI 2026 deviendra un instrument fiscal de transformation du capital :

  • pénalisant la rente improductive,
  • récompensant l’investissement utile,
  • et introduisant une logique environnementale et sociale dans la fiscalité du patrimoine.

Pour les investisseurs, c’est le moment de repenser les stratégies de détention :
prioriser les actifs loués, durables et productifs ;
arbitrer les avoirs dormants ;
intégrer la transition énergétique dans chaque décision patrimoniale.

Fruit d’une collaboration inédite entre l’homme et la machine, cet article a été conçu pour vous offrir une information précise et pertinente.

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